jeudi 10 janvier 2019

Haiti


ILE A VACHE



Du 23 Décembre 2018 au 11 Janvier 2019

Dimanche 23/12 : Nous levons l'ancre de Port Antonio et mettons le cap à l’Est pour rejoindre le Sud d’Haiti
Cette escale n’était pas vraiment prévue dans notre voyage mais le voilier « Rebel » rencontré en Jamaïque nous a fortement encouragé à nous y arrêter, la décrivant comme une île merveilleuse.

Le vent d’Est ( les alizés) souffle à cette période de l'année et nous naviguons vers l’Est puisque l’on sera en Guadeloupe début Mars pour accueillir nos enfants. Haiti est sur notre route et nous permettra d'attendre un vent plus favorable, quelquefois le vent du Nord souffle quelques heures ou quelques jours.
Vous avez bien compris le problème.
C’est décidé, nous passerons les fêtes de fin d’année à l’Ile à vache.



On raconte qu’autrefois cette île était le repère des brigands et de pirates dont le célèbre Anglais Henry Morgan, connu sous le nom de Capitaine Morgan, qui y cachait leur trésor.
Il aurait même perdu un bateau au large de cette île.
Un hôtel porte son nom dans la Baie à Ferret


L'Hôtel Port Morgan


La baie Port Morgan est très bien abritée 
Des voiliers s'abritent ici pendant la saison cyclonique.



Nous profitons d'un vent du Nord pendant une dizaine d'heure, le reste du trajet se fait au moteur.

Nous arrivons dans la baie à Feret sur l'île a vache le 23 Décembre à 21heures. 
Dés la tombée de la nuit, nous ralentissons Makani afin de laisser le temps à la lune d’apparaître (pleine lune) ainsi de mieux repérer les récifs qui nous entourent.

Cet amer est visible de très loin en arrivant de l W
Première rencontre en arrivant au large de l'île.
Les Haitiens sont de bons marins. Ils pêchent avec ces bateaux sans moteur et savent faire marcher leur voilure.

Amis navigateurs : Attention en arrivant de nuit aux toutes petites embarcations à voile, sans moteur et sans lumière qui évoluent dans la baie. On distingue à peine une masse un peu plus noire et on entend le bruit du vent dans leur voile. Il faut être vigilant.

On entre dans la baie tout doucement et là surprise, ce sont pas moins de 10 pirogues qui viennent à notre rencontre pour nous guider et nous proposer leurs services des le lendemain.
Ils sont littéralement accrochés au bateau même pendant la manœuvre de mouillage par 6m de fond

Ils sont tous très gentils, nous demandent de se souvenir d’eux en levant leur tête mais dans le noir et avec la couleur de leur peau c’est un peu difficile.

On note leurs noms tout en leur précisant que l’on attend demain pour voir Edisson.

Le jour est à peine levé et déjà 1ou 2 pirogues (Bwa fuyé en créole) arrivent.




Ils veulent nous vendre des mangues, des noix de coco, du gasoil, nettoyer la coque du voilier, faire briller nos inox, laver notre linge…
Nous distribuons riz, lait et savon embarqués en Colombie. Ils sont très contents.



Nous faisons connaissance avec Edisson dit « Teylor ».Ici, tout le monde a un « sous nom »





Il arrive avec son frère Benjamin dans un canoë qui prend l’eau. Le capitaine lui collera des rustines sur les 3/4 trous et maintenant le canoë ne semble plus se dégonfler.


Il sera notre guide durant tout le séjour. On pose l’annexe devant chez lui chaque fois que l’on va à terre.









Clearence : On monte à bord de la navette avec Taylor pour la ville des Cayes située à 5MN afin d'y faire notre check-in. 


Nouveauté, on doit se présenter en personne, (20$ par personne) et le check-out est désormais obligatoire.
Auparavant, on faisait l’entrée et la sortie en même temps et on pouvait confier ces formalités à un haïtien.
Les services sont fermés le we et les jours fériés.

Amis navigateurs : Attention, les fonctionnaires de l'immigration et des douanes des Cayes sont venus vérifier les clearances de tous les voiliers au mouillage.

Le bâtiment de l'immigration


Après 45 mn de traversée, le bateau stoppe son moteur à 100m du rivage. 
Une pirogue vient nous chercher puis s’arrête à 20m du débarcadère.
Nous faisons le reste sur le dos d’un Haitien 
Il faut faire vite car il y a beaucoup de monde, beaucoup de pirogues et les vagues se brisent sur la rive.
Chacun au passage gagne quelques billets ( 1$ = 80 Gourdes ) 
Le trajet depuis Kay Kok coûte 200 HTG par personne A/R
Des chambres à air ou des semelles de chaussures font office de pare battage
Le moteur de celui ci ne démarre plus
On fini à dos d'homme au dessus des immondices pour débarquer


Un préposé de la mairie située à Madame Bernard passe à bord pour remplir un document et nous demande 10$ par semaine pour le mouillage.
Il récupère régulièrement nos sacs poubelles
C’est interdit de les donner aux gamins pour quelques sous car ils s'en débarrassent au bord du chemin 
Sur l’île, beaucoup de déchets jonchent le sol et il y a un gros travail d’éducation à entreprendre.
C'est dommage car c'est un petit paradis



On sympathise également avec Hasley, un jeune homme de 30ans, père de 2 petits enfants qui se débrouille bien. Il cuisine certains soirs de la semaine pour les locaux sous un petit abri.
On peut lui louer sa moto ou lui demander de nous conduire au marché…mais il doit partager le prix de la course en 4 car ils ont financé la moto à plusieurs.


Le restaurant

Le soir du 24 Décembre, nous sommes loin loin très loin de notre famille et on pense aux arbres de Noël de l’autre côté de l’Atlantique débordant de cadeaux. Une pointe de tristesse nous envahit.
Ici, l’ambiance est à la fête avec de la musique, les familles se promènent le long de la plage, mais les enfants n'auront pas de cadeaux même pas de bonbon.
Notre dîner sera un peu de riz agrémenté pour l’occasion de quelques morceaux de poulet fris car ici, presque personne ne mange de viande (trop cher)
On boira quelques bières et on partagera 3 assiettes à 5 (Teylor, son frère et son cousin) sur une petite table chez Hasley.

Le cousin de Taylor écoute en permanence la musique depuis son téléphone



A l’île à vache, chacun essaie de se débrouiller, car la vie est très dure … C’est un village communautaire, solidaire. 



Pas d’eau courante, pas d’électricité, sauf quelques panneaux solaires, pas de gaz (cuisine au charbon de bois qu’ils fabriquent), ils cultivent des légumes, cueillent les fruits, élèvent du bétail…donc les habitants ne meurent pas de faim.
Réserve d'eau douce pour alimenter leur culture

Nous sommes dans un des pays le plus pauvre au monde.
Les nombreux ouragans détruisent les maisons, envolent les toitures et chaque fois, il faut reconstruire.
Malgré tout, les habitants gardent le sourire, et la joie de vivre.
Pour eux, impossible d’aller travailler aux Cayes sauf à y rester toute la semaine car les 3 navettes quotidiennes  partent  à 8h/8h30  et reviennent vers 12/13h.
Et dans la grande ville, ils paieraient une location, l’eau, le gaz, l’électricité, les fruits , les légumes, la viande…

Ici, ils ont simplement besoin d’acheter le riz, l’huile, des vêtements, et de payer à l’année  l’école pour leurs enfants (gratuit pour les petits, 150$ pour les plus grands et 450$ pour l’école supérieure à la Cayes)

Le temps passe très vite ici. Les habitants viennent chaque jour nous apporter des fruits qu’ils ont cueillis sur l’île.



Les pêcheurs échangent langoustes, crabes contre masque de plongée…





Langoustes grillées sur notre barbecue


Nous connaissons maintenant la plupart des habitants de Kay Kok par leur noms et discutons avec eux de bons moments assis sur un muret. Les gamins passent régulièrement nous dire bonjour.

L'île à vache est avant tout un village de pêcheurs


On dit qu'autrefois les vaches étaient nombreuses sur l'île
Les flotteurs des filets sont souvent faits avec des semelles de "tong"

Ce pêcheur aurait besoin de quelques m2 de tissu pour refaire sa voilure

Les jeunes nous apportent quelques fruits (des mangues, des karacoles..) et nous demandent un peu gêné quelques dollars pour s’acheter des chaussures pour la rentrée des classes qui approchent. L’école reprend le 7 janvier et c’est interdit d’y aller en claquettes.
On leur offre à chaque visite des sucettes et des petites barres de chocolat ramenées de France et pour cuire des pains au chocolat. 

Cette pauvreté nous touche et on a vraiment l’impression d’être impuissant devant toute cette misère.
Certains matins, on se réveille le coeur un peu serré.

Le samedi soir, des équipes de foot s’affrontent et les supporters sont nombreux.


Le lundi et Jeudi a lieu le marché de « Madame Bernard", un petit village à une bonne heure de marche par un petit sentier qui devient impraticable lors de fortes pluies.


Les gens de l’île viennent également y vendre leurs oeufs, leurs bêtes, leur légumes.




En arrivant au marché
Ce cochon ne veut pas trop avancer


Le village de Madame Bernard est en bordure de mer 
et la plupart des denrées viennent des Cayes en « bateau pays »

Retour du marché en moto taxi- 4 plus la poule - on est collé-serré

Nous faisons quelques promenades sur l'île. Les maisons sont parfois bien entretenues mais d'autres plutôt délabrée.



A chaque ouragan, il faut reconstruire


C'est paisible et la vue sur l'océan est superbe




Sur l'île, la principale activité des enfants
 est d'aller chercher de l'eau à "pioche" en haut du village.

 Le capitaine aide ces petites filles. Cette brouette est bien lourde
 et le chemin bien raide pour leurs petites jambes.



Ils demandent au capitaine s'il est fort et lui font porter cette branche d'arbre tout seul.
Pari réussi, les gamins rient aux éclats

Ces 2 gamins sont contents de nous faire montrer leur dextérité 

Ce sont de vrais moments d'échange avec ces enfants, les petits parlent créole uniquement puis des qu'ils sont scolarisés ils s'expriment en français et un peu en anglais appris en primaire et ils sont très fiers.
Malheureusement, tous les enfants d'une même famille ne vont pas à l'école, c'est chacun leur tour car les parents n'ont pas assez d'argent pour acheter les livres, l'uniforme et les chaussures...

On passe beaucoup de temps avec Taylor et sa charmante famille. Alors une idée nous vient, on va lancer un petit chantier avec lui : construire un poulailler.
Le projet qu’on lui propose - demander à chaque bateau qui utilise ses services de lui offrir un poule pondeuse(6$) qui portera le nom de leur bateau.
On a publié sur Facebook et déjà plusieurs commandes. 


Les matériaux sont acheminés par bateau avec le riz, l'huile depuis les Cayes





Ces tôles neuves vont être placées sur le toit  de leur maison car il y pleut souvent


La maison de la famille d'Edisson

Les anciennes feront le toit du poulailler


Le poulailler est transporté à l'ombre des palmiers

Le poulailler est fini

4 poules pondeuses vient d'arriver par bateau de la ville des Cayes


Elles vont tenir compagnie à notre poule MAKANI



GEGE le coq rejoint la basse cour

Taylor est très heureux de cette initiative et sa maman se souviendra dit-elle longtemps du voilier Makani.
On entend les petits parler en créole et appeler Makani- Makani…

Nous faisons de belles ballades sur l'île. Dans un village au sommet de la colline, on s'arrête chez une mamie qui fabrique des tartes succulents à la noix de coco.

 Un four ingénieux
On en achète une trentaine de tarte tellement elle sont bonnes et pas chères
 (0,30cts/€ la pièce)


Au détour d'un chemin, nous faisons une rencontre extraordinaire avec Michel, un français originaire du Gard, âgé de 72ans à l'esprit vif qui vit 6 mois de l'année sur l'île.
Ancien ingénieur TP, puis professeur en coopèration, il part faire du bénévolat à travers le monde.
C'est ainsi qu'il consacre sa vie pour venir en aide aux plus démunis notamment en Amérique du Sud (Guatemala..) puis en Haiti.
Arrivé en 1995, il est bénévole pendant 15 ans à l'orphelinat St François sur l'île à vache auprès de Soeur Flora Blanchette. Après y avoir passé 6mois par an, il quitte l’orphelinat repris par une association canadienne Terre sans frontière pour monter un atelier de séchage de mangue. « Compère Général Soleil »




Michel est un homme plein de sagesse et de savoir.

Invité à passer une soirée à bord de Makani, il nous a appris quelques coutumes et art de vivre sur l’île comme les « Ti-mariages ( l’homme peut avoir plusieurs femmes et plusieurs foyer ) » fréquents en Haiti.
Le passé des Haitiens depuis l’époque des Conquistadores et l’organisation politique du pays n’a pas de secret pour lui.

Ces histoires sont passionnantes.

C’est son dernier séjour et cherche à transmettre cet atelier coopératif.

Ce we, nous ne sommes plus seul au mouillage.


5 autres voiliers jettent l'ancre à Kay Kok donc 3 bateaux avec à bord skipper et une vingtaine de jeunes catholiques qui vont à la rencontre du Pape à Panama pour la journée mondiale de la jeunesse fin Janvier. Partis de Brest, ils ont fait escale en Afrique, puis la Transat, Guadeloupe, République Dominicaine, Haiti puis Panama.


Nous avons apprécié les bons moments passés en leur compagnie dont une invitation à la messe pour tous célébrée par un prêtre de l'équipage sur un des voiliers "ESTRAN" d'un couple de Belge Oscar et Philippine et leur petit garçon.
Avons partagé notre wifi avec le voilier EXULTET pour ces mails et fichiers météo.
Nous avons servi de relais pour Edisson afin qu'il organise un déplacement en groupe au marché de Madame Bernard.
Alain a passé toute un après midi à réparer AVEC SUCCES un frigidaire en panne.

Tous ces voileux se sont regroupés pour acheter à Michel 50 sachets de mangues séchées. C'était Noël après l'heure car il va pouvoir distribuer quelques sous à ceux qui travaillent avec lui.
Cette équipe en pèlerinage a, comme nous, été touché par ces habitants sont vivent dans un des pays le plus pauvres au monde. Ils ont distribué du travail (intox, coque, eau, linge, repas....), donné une voile déchirée pour les pêcheurs.
Merci à vous, ça nous a fait un bien fou de vous avoir à nos côtés.

Edisson vient d'avoir les résultats de son bac. Il échoue à 1point près. Je rédige aussitôt un courrier au rectorat pour demander la re-correction de ces copies dans 3 matières.
Il devait s'inscrire pour poursuivre en Agronomie financé par un voilier canadien qui le suit dans sa scolarité depuis 6ans.
Michel a un ami professeur , devenu Avocat aux Cayes. Il défendra gratuitement l'affaire.


Amis navigateurs: PARTICIPEZ A NOTRE PROJET  - OFFREZ UNE POULE PONDEUSE A EDISSON  (600 HTG) QUI PORTERA LE NOM DE VOTRE BATEAU - UN SOUVENIR INCROYABLE POUR VOUS ET SA FAMILLE SUR L'ILE A VACHE - 
EDISSON EST UN GARCON SERIEUX ET DEVOUE - IL VOUS LE RENDRA BIEN -

Edisson et sa famille. 
Il manque sur la photo ses soeurs qui ont repris l'école


La poule "MAKANI" a le caractère du capitaine. Elle aime la liberté, difficile de la faire rentrer dans le poulailler le soir, elle dort à la cime d'un arbre avec un coq



N'hésitez pas à le contacter par Wattshap avant votre arrivée.
Voici ses coordonnées:
Edisson St FIRMIN ( dit Taylor)
Whattsup : +509 48 226 358  le prévenir de votre arrivée 
Contacter le de la part du voilier MAKANI


Nous quittons l'île à vache Samedi 13 Janvier 2019 après 3 semaines. Cap à l'Est vers la Guadeloupe avec une ou deux escales en République Dominicaine.

On a fait ce qu'on a pu pour aider ce peuple tellement touchant, c'est à dire trop peu.
Mais le sourire et les accolades de cette famille nous en disent long quand a leur joie de nous avoir rencontrer.

HAITI est après LA COLOMBIE notre deuxième coup de coeur.


Mouillage sur l'île à vache